Better together
Grand Angle
Oubliez un instant les intelligences artificielles qui découvrent de nouveaux médicaments, débusquent des exoplanètes aux confins de l’univers ou battent des champions d’échecs. Une autre révolution est en cours, plus discrète, plus prosaïque, et pourtant tout aussi déterminante.
Un nombre grandissant d’entreprises intègrent des « agents » intelligents qui prennent désormais en charge des tâches chronophages et sans grande valeur : trier des CV, organiser des réunions, rédiger des synthèses ou répondre à des emails. Des missions simples, parfois un ennuyeuses peut-être, mais essentielles.
Ces intelligences artificielles dites « agentiques », capables de travailler de concert, n’ont pas vocation à remplacer l’humain mais plutôt à s’intégrer aux équipes comme des collègues d’un nouveau type (constants, sans émotion, jamais malades...), endossant les tâches les plus ingrates et augmentant les capacités de chacun grâce à leur puissance de calcul exceptionnelle.
Vous en utilisez peut-être déjà sans le savoir, dissimulées dans une application RH ou un logiciel de gestion de projet.
Ce dossier vous invite à plonger dans l’univers de ces agents, incarnations d’une IA concrète qui transforme en profondeur notre quotidien professionnel et ouvre un nouveau chapitre du monde du travail.
Comment les entreprises les adoptent-elles ?
Quels métiers naissent de cette transformation ?
Comment les équipes s’adaptent-elles ?
Faut-il les craindre ou apprendre à collaborer avec elles ?
Unilever, géant mondial de la grande consommation, fait figure de pionnier dans l’intégration de l’IA agentique au cœur de ses processus métiers de la chaîne logistique à la R&D en passant par les ressources humaines. L’entreprise déploie aujourd’hui des agents IA à plusieurs étapes clés de son cycle RH.
Premiers pas vers l’IA agentique : le recrutement repensé
Dès 2016, Unilever adopte une approche innovante pour recruter de jeunes diplômés en combinant plusieurs technologies d’analyse et d’interaction autonomes. Parmi elles, Pymetrics évalue les aptitudes cognitives, émotionnelles et comportementales des candidats via des mini-jeux, et HireVue est une plateforme d’entretiens vidéo analysant les réponses verbales, la gestuelle, le ton et les expressions faciales.
La muntinationale affirme alors avoir réduit de près de 75% le temps de recrutement, passant de plusieurs mois à deux semaines, tout en améliorant la diversité des profils retenus.
Mais cette automatisation soulève des interrogations : quelle perception ont les candidats lorsqu’une machine devient le premier point de contact ? L’acceptabilité de ces pratiques reste un sujet sensible, d’où la nécessité de maintenir une intervention humaine dans la décision finale. D’ailleurs, face aux critiques, HireVue a retiré sa fonctionnalité d’analyse faciale en 2020.
Une IA plus mature pour la gestion des talents
Unilever, qui emploie quelque 125 000 personnes dans le monde, mise désormais sur l’IA pour favoriser la mobilité interne et enrichir l’expérience collaborateur.
Grâce à la plateforme Gloat (InnerMobility), chaque salarié peut se voir proposer des missions transverses et des projets internes en lien avec ses compétences et aspirations. Ce « marché interne des talents » vise à améliorer la rétention des collaborateurs, accroître l’agilité organisationnelle et mieux mobiliser les ressources internes.
En parallèle, des agents conversationnels automatisent les réponses aux demandes RH courantes (paie, congés, formalités administratives) tandis que des outils d’analytique sociale examinent les retours des collaborateurs via des enquêtes internes. Objectif : renforcer l’écoute, détecter les signaux faibles de désengagement et libérer du temps pour les équipes RH.
Des RH augmentées, non remplacées
Cette transformation redéfinit en profondeur le rôle des RH chez Unilever. Jadis perçue comme une fonction administrative, elle s’oriente désormais vers un rôle stratégique, axé sur le développement humain et la création de valeur.
La promesse est de permettre aux professionnels RH de se concentrer sur l’essentiel : accompagnement managérial, développement des compétences, animation de la culture d’entreprise.
Mais cette évolution nécessite une réelle montée en compétences : acculturation à la donnée, compréhension des technologies, et capacité à collaborer intelligemment avec ces systèmes.
Face aux craintes légitimes de déshumanisation, Unilever affirme défendre une approche éthique et responsable. L’IA reste un outil d’aide à la décision, jamais décisionnaire à elle seule. L’humain, augmenté mais non remplacé, demeure le garant d’une relation employeur-salarié fondée sur la confiance, l’équité et l’épanouissement.
Wally, l’assistant GenAI de Walmart
Walmart, numéro un mondial de la grande distribution, a présenté Wally, un assistant développé à partir de ses données internes, conçu pour les marchands de sa marketplace. Grâce à l’IA générative, ces derniers peuvent poser des questions en langage naturel (sur le stock, la performance des produits, les prix, etc.) et obtenir des réponses instantanées et personnalisées. La multinationale américaine prévoit d’améliorer continuellement Wally et de le rendre autonome pour lui permettre d’exécuter directement des actions comme ajuster des assortiments ou lancer des promotions.
JPMorgan fait entrer les agents IA à Wall Street
La célèbre banque américaine a lancé la LLM Suite, un outil GenAI « maison » destiné à épauler ses analystes financiers. Cet assistant intelligent peut rédiger des mémos d’investissement, synthétiser des documents complexes et générer des idées. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie globale d’intégration des agents IA chez JPMorgan visant à aider ses employés à mieux naviguer dans les politiques de conformité et analyser en temps réel les tendances du marché.
Avec Siemens, des collègues numériques dans les usines
Le géant allemand de l’ingénierie industrielle Siemens déploie des agents IA capables de comprendre le langage humain et d’analyser les données issues des lignes de production afin d’assister les opérateurs. Ces assistants autonomes peuvent détecter des anomalies, recommander des ajustements et même initier des actions correctives sans intervention humaine. En les intégrant aux systèmes existants, Siemens entend accompagner progressivement les équipes vers un mode de travail où la collaboration entre humains et IA devient la norme.
La montée en puissance des agents d'intelligence artificielle dans nos vies professionnelles modifie progressivement les règles du jeu. Sont-ils des alliés ou des rivaux ?
Digital copilots
At work, AI agents -these digital copilots - are becoming part of everyday tools: browsers, messaging apps, office suites, management software. They draft emails, schedule meetings, translate in real time, and extract key data.
According to a Microsoft survey, 75 % of knowledge workers already use AI. It helps them save time (90 %), focus on more important tasks (85 %), be more creative (84 %), and enjoy their work more (83 %).
By learning from users to become more relevant and adapting to different contexts, these tools are increasingly resembling true assistants.
Human-machine synergy
Rather than replacing humans, AI agents enhance their efficiency. By offloading routine tasks, they free up time for higher-value missions: strategy, creativity, customer relationships.
The collaboration can even be symbiotic: AI generates content, which the human refines, nuances, and... humanizes. This kind of teamwork, known as “hybrid work,” is based on complementarity: speed and endurance on the AI side; judgment, intuition, and social intelligence on the human side.
Toward substitution?
Still, this coexistence is not without tension. In high-pressure sectors, agentic AI can become a lever for workforce reduction.
When a machine handles 90 % of customer service requests, what’s left for people to do? In knowledge professions such as journalism, law, or financial analysis, AI challenges the value of certain once-scarce skills.
As AI agents become more capable, the temptation to replace human workers increases. This raises major economic, social, and ethical concerns.
Deployed at scale - without needs, rights, or protections - these agents challenge the balance of the labor market, employee rights, and the way people derive social value and purpose from their work.
While employees’ feelings toward AI remain mixed, several reports, such as one from BCG, show that adoption and trust in intelligent systems grew in 2024.
No, more a redefinition of roles
The real challenge isn’t resisting AI but rethinking roles. This means developing hybrid skills that combine technological fluency with human qualities - empathy, creativity, curiosity, critical thinking - and learning how to collaborate with machines.
Organizations that succeed in managing the positive impact of these innovations won’t be those that pit humans against AI, but those that orchestrate this cooperation.
AI agents can become powerful amplifiers of expertise (a study shows that AI is used to augment human capabilities in 57 % of cases), provided their deployment is accompanied by genuine strategic and ethical reflection.
The arrival of agentic AI in companies is profoundly transforming the manager’s role. Managers are now expected to oversee hybrid teams, orchestrating smooth collaboration between humans and autonomous agents. They must also develop new skills, strengthen their emotional intelligence, and rethink their leadership style. Paradoxically, the human dimension is becoming more essential than ever.
A new managerial reality
With the rise of AI agents that are capable of suggesting, deciding, and even acting autonomously, the manager's responsibilities and skill set are evolving. Some decisions can now be automated or suggested by algorithms.
This “shared authority” demands informed trust: welcoming AI recommendations with discernment, without surrendering critical thinking or decision-making responsibility.
It requires managers to have a functional understanding of AI systems - knowing what they are, grasping their capabilities and limits, interpreting their outputs, and spotting potential biases or errors.
As Fast Company, a leading U.S. innovation and tech magazine, reminds us, “leading AI-augmented teams requires far more than technical adaptation. It demands deeper humanity - curiosity, ethics, emotional intelligence, and meaning.”
AI may generate fear and resistance in the workplace: feelings of obsolescence, loss of purpose, uncertainty about one’s role. Managers must acknowledge these concerns, explain, and reassure. Their role in guiding change is more critical than ever.
AI agents do not replace a manager’s ability to inspire, understand human emotions, or navigate interpersonal dynamics. On top of that, the manager now acts as a human-machine mediator ensuring smooth, balanced collaboration.
A hybrid humanistic leadership
In AI-augmented teams, the challenge lies in managing hybrid intelligence: an enhanced cognition that blends human intuition with algorithmic power. As Psychology Today notes, “the greatest performance gains happen when humans and intelligent machines work together amplifying each other’s strengths while offsetting their weaknesses.”
This article introduces the concept of “hybrid humanistic leadership,” developed by doctoral researcher Cordelia C. Walther: leaders equipped with dual literacy emotional intelligence and understanding of AI systems that are capable of cultivating this hybrid intelligence.
Staying on an ethical course
Who is responsible when things go wrong? How can we maintain employee motivation when machines seem more efficient? How do we ensure fairness and transparency in an automated environment?
In addressing these questions, the manager plays a crucial role in upholding ethical balance and workplace well-being. They must exercise critical vigilance in the face of morally neutral systems, while preserving space for human expression.
It becomes clear - though perhaps paradoxical - that rethinking tomorrow’s management means imagining a more strategic, cross-functional... and deeply human role. As AI takes over functions such as planning, resource allocation, and performance tracking, managers must double down on the areas where machines can’t compete: creativity, empathy, moral judgment, and the ability to make meaning.
The manager of tomorrow will know how to conduct the human-machine symphony